Labour migration and associated needs in West-Africa

Labour migration and associated needs in West-Africa (article in French)

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​Migrations de main d'œuvre et besoins associés en Afrique de l'Ouest Labour migration and associated needs in West-Africa​


December 2020

By Dr. Elieth Eyebiyi, Laboratoire d'Etudes et de Recherche sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local) (LASDEL)


Introduction

Terre de mobilités, l'Afrique de l'Ouest est particulièrement animé par d'importantes migrations de la main d'œuvre, notamment celle faiblement ou pas qualifiée. Si les politiques existantes font peu cas de ces types de migration, il n'en demeure pas moins qu'ils éclairent diverses expériences. Cette contribution explore les besoins auxquels font face les personnes engagées dans les processus de la migration de main d'œuvre dans la région. La satisfaction de ces besoins permettra de renforcer leurs capacités professionnelles et leur connaissance des droits humains et du travail, et d'améliorer leur inclusion financière

1. Les migrations de main d'œuvre en Afrique de l'Ouest

En 2019, le nombre de migrants dans le monde était d'environ 272 millions dont 10% résidaient en Afrique ; ¾ des migrants sont en âge de travailler et ont entre 20 et 64 ans. Le Rapport sur les statistiques de la migration de main d'œuvre en Afrique qui remonte à 2015 (UA 2017) mentionne pour la CEDEAO[1] la situation statistique suivante : en 2014 2014 presqu'autant de migrantes que de migrants ont été enregistrés sur le marché du travail ouest-africain: les migrations de travail masculines représentent 46,67% et celles féminines 53,33%, pour un effectif de 7 010 257 de migrantes et migrants de travail.

 

Figure 1 : Comparaison par genre des migrations de travail en Afrique de l'Ouest

Source: Rapport sur les statistiques de la migration de la main-d'œuvre en Afrique en 2015

 

En Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire (30 %) compte la plus grande part de travailleuses migrantes largement devant le Nigeria (20 %). Ceci s'explique par l'attractivité économique des locomotives francophone (Côte d'Ivoire) et anglophone (Nigeria) de la CEDEAO, d'autant plus que le Nigeria est la première économie du continent. Il existe donc un appel d'air économique à partir de ces deux centres.

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Figure 2 : Répartition statistique des migrations de travail féminines en AO

Source: Rapport sur les statistiques de la migration de la main-d'œuvre en Afrique en 2015​


2. Les besoins des travailleurs migrantes et migrants

Les besoins des travailleurs migrants, peuvent être classés en trois catégories : les besoins de formation et d'information, les besoins de financement et les besoins de protection et d'assistance (sociale et sanitaire, juridique et légale).

 

Les besoins de formation et d'information

Dans les pays de départ, les candidates et candidats à la migration de travail ont besoin de formations pratiques destinées à renforcer leurs capacités professionnelles, et sanctionnées par des diplômes/attestations/certificats qui leur permettront dans les pays d'accueil d'entrer légalement sur le marché du travail, et de réduire les discriminations salariales en exhibant une preuve de leurs compétences professionnelles. Sans preuves de leurs qualifications professionnelles, généralement manuelles ou techniques, la plupart des migrantes et migrants faiblement qualifiés sont réduits à des emplois informels, peu sécurisés et mal payés. La reconnaissance transfrontalière des diplômes d'artisans est nécessaire afin que les concernés obtiennent des rémunérations correspondant à leur niveau réel de formation et évitent les pratiques de déclassement salarial.

Un besoin d'informations crédibles sur la régulation du travail dans les pays d'arrivée, les possibilités de transferts de fonds sécurisées, les droits et devoirs civiques et du travail, existe pour les  travailleurs migrants, femmes comme hommes. Ceci fera de leur aventure un véritable projet, construit, équitable et partagé, qui tienne compte des conditions sexospécifiques des secteurs d'activité porteurs, des taux de rémunération, des organismes de recours, etc. dans le pays d'accueil.

Migrantes et migrants ne sont parfois pas informés de l'existence d'associations, d'OSC ou de structures pouvant les appuyer sur place. Conséquence du peu d'attention accordée par les Etats de la région à leurs ressortissants, migrantes et migrants de travail dans les pays voisins, le réflexe d'enregistrement dans les consulats est très faible. Les Etats doivent développer une stratégie de protection consulaire de leurs émigrés régionaux, avec un focus sur les migrantes et migrants de travail.

Les besoins de financement marqués par le genre

Les besoins de financement sont présents au cours des trois phases du parcours migratoire : départ, transit, accueil. Ils ont trait dans les pays de départ, aux coûts d'établissement de documents de voyage légaux et de financement de transports sécurisés, afin d'éviter les filières clandestines des passeurs et trafiquants. Sur ce point, l'approche du projet pilote conduit par Helvetas Swiss Intercooperation au Bénin de 2014 à 2019 était de ne pas financer ces postes de dépense afin de ne pas encourager la migration, mais de soutenir les candidats en leur fournissant information et formation. A la surprise des initiateurs, cette approche a conduit plusieurs candidats à renoncer à leur projet migratoire, après avoir suivi diverses formations[2], tandis que d'autres ont mieux construits leur projet, sortant d'une logique d'aventure aux périls inconnus pour un engagement migratoire sécurisé et mieux informé.

 

« Nous essayons d'identifier leurs besoins, les domaines de renforcement de capacités pour que cette migration de travail leur soit bénéfique... en amont ils expriment des besoins pour dire : dans notre zone de destination c'est dans tel domaine que nous allons travailler… Si nous prenons l'axe Benin Nigeria, les premiers besoins dans le Borgou ont été exprimés par rapport à l'agriculture […]. Nous [Helvetas, ndlr] recrutons des spécialistes, des agronomes qui leur font des cours adaptés à leur profil, des cours accélérés... L'objectif, c'est de les rendre plus compétents et, une fois dans la zone de destination, ils pourront mieux satisfaire leurs patrons et ils seront mieux payés en retour... Après les différentes cohortes de formation, les suivis ont révélé qu'environ 2/3 n'ont pas voyagé, ils ont décidé d'appliquer les notions apprises, sur place» explique l'ancien chargé de programme Migration et développement de Helvetas (Bénin).

Encadré 1 : L'expérience d'Helvetas au Bénin pour une migration sûre et mieux informée


Dans le pays d'accueil, les besoins de financement concernent les investissements visant à consolider les activités économiques et l'intégration professionnelle. Il s'agit de capitaux pour installer par exemple des ateliers de confection, des boutiques ; de fonds de roulement et de trésorerie pour les femmes commerçantes, etc. Une facilité d'accès au crédit adaptée aux migrantes et migrants est envisageable afin de pallier les prêts à taux usuraires auxquels peuvent être contraints les migrants pour assurer l'installation et le développement de leurs activités. La formation s'avère ici nécessaire afin de stimuler et renforcer des habiletés entrepreneuriales notamment en termes de gestion courante des affaires et du respect des normes d'établissement en vigueur dans le pays d'accueil. Elle doit s'accompagner d'un apprentissage de la langue lorsque le migrant vient d'un pays à expression linguistique différente. Migrantes et migrants mieux formés et informés sont davantage susceptibles de comprendre les lois et règlements des pays d'accueil, de remplir leurs devoirs fiscaux (patentes, taxes municipales ou autres), et surtout de mieux gérer leurs entreprises afin d'assurer leur propre épanouissement et celui de leurs communautés tant dans le pays de départ que celui d'accueil.

Dans les pays d'origine, les besoins de financement des familles restées en attente sont généralement pris en compte par le migrant à travers l'organisation de transferts de fonds ou l'envoi de biens et matériels. Informer les migrantes et migrants sur les OTA[3] crédibles et moins onéreux, tout comme sur les programmes de soutien aux microentreprises est pertinent. Une meilleure maitrise de leurs envois de fonds améliore la position sociale des femmes dans le cadre de la reconfiguration des rapports sociaux de sexe.

Le renforcement de capacités des femmes en matière de gestion et de leadership, et leur empowerment est indispensable lorsqu'elles entament des parcours migratoires ou y sont déjà entrées, afin qu'elles puissent mieux prendre soin de leurs activités mais aussi de leurs familles en renforçant leur inclusion financière.

Les besoins de protection sociale et d'assistance psychosociale

Les besoins de protection sociale interviennent dans le domaine du travail salarié ou de l'entreprise privée pour garantir une prise en charge sanitaire minimale aux migrants travailleurs en cas de maladie, d'invalidité ou autres accidents de travail. Généralement dépourvus de contrats de travail légaux, migrantes et migrants ne bénéficient d'aucune protection sociale et sont installés dans une fragilité structurelle au plan sanitaire. Ceci déteint sur leur santé psychique et mentale, et renforce l'incertitude et les difficultés de la vie à l'étranger. Toute invalidité ou incapacité de travailler signifie généralement pour les migrants travailleurs un tarissement des entrées financières et par ricochet un arrêt des transferts de fonds aux communautés dans le pays de provenance. Les femmes enceintes constituent avec les enfants des catégories vulnérables qui méritent davantage d'attention, au regard des différences et pesanteurs socioculturelles inhérentes à chaque société. Un meilleur accès des migrantes aux services de planification familiale et aux programmes de santé reproductive dans les Etats de la région est nécessaire pour réduire la vulnérabilité conférée par le statut d'étranger. Les pouvoirs publics doivent faciliter l'accès des migrantes et migrants aux services de protection sociale et de santé reproductives afin que leurs capacités de contribution au développement économique, social, culturel et politique de leurs milieux d'accueil soient préservées.

 

Conclusion

L'expérience migratoire des travailleuses et travailleurs faiblement qualifiés en Afrique de l'Ouest les expose à trois types de besoins: les besoins de formation et d'information, les besoins de financement, et les besoins de protection et d'assistance (sociale et sanitaire, juridique et légale). La satisfaction de ces besoins permettra de renforcer les capacités professionnelles des migrantes et migrants travailleurs et leur connaissance des droits humains et du travail. De plus, elle contribuera à améliorer leur inclusion financière afin de décupler le potentiel transformateur des migrations de la main d'œuvre. Ceci nécessite d'une part un meilleur engagement des Etats de la région et de la CEDEAO, et d'autre part l'investissement national dans des dispositifs de formation, d'information et de protection des migrantes et migrants faiblement ou pas qualifiés.

 


Notice auteur :                     

Dr. Elieth Eyebiyi est socio anthropologue, spécialiste en gouvernance, mobilités, migration et développement. Auteur de nombreux ouvrages, i l a codirigé le double volume sur Migrations, mobilités et développement en Afrique - Tome I : Mobilités, circulations et frontières, (eds.), Ottawa : Lasdel & Daraja Press, 300p. (avec A. F. Mendy) et Migrations, mobilités et développement en Afrique - Tome II : Stratégies familiales, diasporas et investissements (eds), Ottawa : Lasdel & Daraja Press, 300p. (Avec A. F. Mendy). 

 

 

(The full study is not publicly available, but a report might come out later on)



[1] Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest

[2] Techniques agriculturales, cuisine, tenue d'une maison, blanchisserie, etc.

[3] Opérateur de transfert d'argent

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