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6.1 Principes directeurs pour la conception des interventions

Dans son approche de soutien aux médias, la DDC a adopté les principes internationaux de soutien aux médias (OCDE 2014), et appliquera les cinq principes directeurs suivants.

a. Adoption d’une approche globale en matière de soutien aux médias

Considérer le secteur des médias dans son ensemble est un modèle particulièrement opérant pour améliorer la capacité des médias à assumer leurs multiples rôles. Il s’agit d’éviter de se contenter d’interventions limitées au soutien d’entreprises médiatiques spécifiques ou même de journalistes de manière individuelle, ou qui favorisent la diffusion d’informations sans se préoccuper des infrastructures et de l’environnement nécessaires à la libre circulation de l’information à long terme. Une approche globale nécessite de combiner plusieurs points de départ complémentaires et d’adopter une stratégie multimédia et transmédia, en fonction des habitudes de consommation de la population et des tendances à long terme présentes dans le développement des médias numériques et leur usage (podcasts, vidéos à la demande, plateformes d’informations, etc.). La DDC ne pouvant pas résoudre à elle seule tous les problèmes que connaît le secteur des médias d’un pays donné, elle doit œuvrer en étroite collaboration et concertation avec d’autres acteurs.
Cette approche globale va de pair avec une combinaison ou coordination avec d’autres éléments permettant l’instauration de la démocratie (PNUD et UNESCO 2019) pour renforcer les effets de part et d’autre. La viabilité des médias est tributaire des potentialités économiques, mais aussi d’un cadre juridique favorable et de la transparence au niveau politique. Il importe tout particulièrement d’adopter une approche combinée des médias et du travail de démocratisation dans les sociétés sortant d’un conflit, les médias indépendants pouvant difficilement émerger dans une société non démocratique. Une telle approche élargie requiert un partenariat durable avec d’autres promoteurs des sociétés démocratiques pour créer un environnement favorable. Les indicateurs et les audits de médias devraient également être inclus dans les évaluations de la qualité ou de l’efficacité de la gouvernance dans un pays donné, ce qui n’est pas le cas à l’heure  actuelle.

b. L’action doit être menée en fonction de la demande locale, et non de l’offre

La DDC se concentrera sur les droits, les besoins et les moyens des populations locales, et cherchera à mener des activités rigoureusement axées sur ces droits et ces besoins. Soutenir les médias ne se résume pas à favoriser telle ou telle technologie, ou à promouvoir tel ou tel moyen de communication dans leur propre intérêt.
La forme la mieux adaptée d’assistance aux médias dans un pays est de développer les médias nationaux en faisant appel aux habitantes et aux habitants du pays (approche sur mesure), en encourageant la création de liens entre les institutions de soutien aux médias et la société civile. La coopération avec les organisations de la société civile et les acteurs des médias aidera à déterminer les objectifs médiatiques et les effets attendus. Il est donc nécessaire que la DDC adapte sa vision générale du rôle des médias dans une société démocratique en fonction des contextes et des besoins locaux de chaque pays. Ce processus doit être mené à bien avec et par les partenaires locaux. La sélection de partenaires locaux et régionaux compétents, qui pourrait bien être l’étape la plus importante du processus de développement des médias, devrait intervenir dès le début d’un projet en faveur des médias. Pour cela, il est nécessaire d’investir dans une analyse complète du secteur des médias qui prévoie également une évaluation économique et politique de tous les acteurs médiatiques, de même que des études de référence pour mesurer et comprendre les besoins et habitudes locales de consommation de l’information. Le choix des médias avec lesquels collaborer et à soutenir – y compris les médias publics et communautaires, ainsi que les médias privés – sera effectué en fonction du public cible et du but de l’intervention. Ces partenaires devraient prendre l’initiative ; il incombera à la communauté internationale d’aider à élargir le champ d’action de ces entreprises médiatiques.

c. Penser à long terme 

Le secteur des médias, constitué de nombreux acteurs différents, est complexe. De ce fait, soutenir un secteur des médias fonctionnel et doté de l’infrastructure institutionnelle nécessaire prend du temps et requiert une planification stratégique à long terme. Cela demande un engagement réel dans ce qui est, en substance, un long processus d’institutionnalisation de la démocratie. Une attention particulière doit être apportée au soutien des médias locaux indépendants, viables et compétents, mais aussi à la stabilité financière en adoptant des plans d’affaires liés aux perspectives économiques. Dans les démocraties émergentes ou sortant d’un conflit, les médias doivent pouvoir s’affranchir petit à petit – à mesure que les mécanismes civiques et économiques se développent – de la dépendance envers les donateurs. Dans la pratique, une telle transition peut prendre plus d’une décennie. La formation sur les compétences de gestion et les capacités à générer des revenus prend du temps, et il est nécessaire de progresser dans la création d’un environnement favorable tout en développant les capacités des médias locaux. 

d. Mettre l’accent sur la coordination

La coordination du soutien aux médias entre les différents acteurs implique non seulement les donateurs, mais aussi les autorités du pays, les acteurs régionaux et multilatéraux, ainsi que les acteurs privés du secteur des médias même. 

Dans la plupart des pays partenaires, le secteur des médias est réduit à la portion congrue et il n’y a que peu d’intermédiaires avec lesquels coopérer. Il en résulte que les organisations de donateurs font appel, encore et toujours, aux mêmes partenaires. En outre, les expériences étant encore peu nombreuses dans le domaine du soutien aux médias, bien des acteurs n’ont commencé que récemment à formaliser leurs missions et à développer des stratégies. Ces facteurs renforcent la nécessité d’une coopération étroite avec les autres acteurs, en particulier avec les donateurs, notamment en partageant les enquêtes d’audience, en coordonnant les études d’impact, en créant des groupes et en organisant des rencontres de coordination pour le développement des médias, en créant des fonds participatifs pour les médias, en partageant les meilleures pratiques, en formant des associations, en abordant en commun des questions régionales ou thématiques du développement des médias, etc. Ces points sont essentiels pour que les donateurs puissent mettre en œuvre l’approche globale mentionnée cidessus.

Une initiative explorant la faisabilité de l'établissement d'un "Fonds international pour les médias d'intérêt public" pour attirer et déployer de nouveaux capitaux dans le secteur. Elle découle du constat que pour renforcer les médias indépendants et protéger la liberté de la presse dans le monde, il est urgent d'augmenter radicalement le soutien et le financement des médias d'intérêt public. Cette initiative a reçu le soutien de Luminate, qui a été fondée et est financée par le groupe Omidyar, et a été menée en collaboration avec BBC Media Action et d'autres organismes, grâce à un processus de consultation étendu avec les médias et les organisations de soutien aux médias du monde entier, les donateurs, les entreprises technologiques et d'autres parties intéressées. 

Pour en savoir plus, lisez (en englais) Making Media Markets Work for Democracy (by GFMD)



e. Soutien à la recherche systématique sur l’impact des médias et l’accès à l’information sur la gouvernance démocratique

Outre le suivi et l’évaluation, la recherche devrait faire partie intégrante de tout projet d’assistance aux médias, mais aussi être soutenue en tant que telle afin que le rôle des médias dans la gouvernance en lien avec différents contextes politiques, économiques et sociaux soit mieux compris. Cela inclut la remise en question de présupposés concernant l’influence des médias sur la participation politique, le débat public, les dynamiques de la redevabilité et de la politique. Il convient de rester réaliste au sujet de ce qui peut être attribué ou non aux médias, car cela demeure difficile à prouver. (Voir chapitre 9 pour un approfondissement du monitorage et de l’évaluation, ainsi que leur impact sur les programmes en faveur des médias.)



6.2 Six domaines d’intervention


L’approche de la DDC en matière de soutien aux médias s’articule selon les six différents domaines du secteur des médias, qui sont reliés entre eux et s’influencent réciproquement (voir figure 2, cliquez pour agrandir). Chacun des domaines représente un point de départ potentiel ; le soutien aux médias est le plus efficace lorsqu’il vise plusieurs domaines à la fois.



Tableau 1 Les six domaines du secteur des médias et les interventions possibles

Domaine

​Interventions possibles

​Journalistes individuels
​Formation sur la déontologie et les compétences techniques du journalisme
Formation sur les questions thématiques
​Entreprises de médias
​Formation sur différents types de médias : radiodiffuseurs de service public, radios communautaires, télévisions privées ou presse écrite
Acquisition de capacités en matière de gestion, de maintenance technique, de production de revenus, etc.
​Institutions médiatiques
Soutien aux écoles de journalisme
Soutien aux acteurs de régulation et d’autorégulation des médias
​Facteurs économiques et technologiques
​Formation sur l’organisation et la gestion des affaires
Amélioration globale des facteurs économiques pour le secteur des médias
Formation sur les nouvelles technologies et leurs opportunités
Cadre politique et juridique, sécurité
Soutien à la volonté politique pour un environnement médiatique favorable
Soutien des réformes juridiques
Formation sur la sécurité et la sûreté des journalistes et des entreprises médiatiques
​Croyances sociales et valeurs culturelles
​Soutien de la perception des médias comme « quatrième pouvoir »
Formation sur les programmes d’éducation aux médias et à l’information
dans les écoles et pour les adultes


Il convient de commencer toute intervention par une analyse adéquate du contexte médiatique et de l’ensemble des six domaines, mais aussi des facteurs sociaux, économiques, culturels et politiques qui façonnent l’environnement médiatique, des besoins, des risques et des potentialités. Le choix des types d’intervention dépend des résultats de l’analyse et des programmes préalablement menés par d’autres donateurs ou acteurs des médias. (Se référer à l’annexe  2 pour une liste de contrôle de l’analyse des domaines).

Au final, ce qui compte sont les contenus qui sont donnés à lire, à entendre et à voir au public à travers les médias. Il faut néanmoins garder à l’esprit que les citoyens (le public au sens large) sont non seulement les cibles, mais aussi les acteurs qui influencent l’environnement médiatique. Leur rôle devrait être pris en considération dans chaque domaine du secteur médiatique.

La section ci-après décrit en détail chacun des six domaines des médias et fournit une brève introduction au thème, en indiquant les interventions possibles et les enjeux dont il faut tenir compte.



Les journalistes représentent le principal point de départ des efforts d’assistance aux médias compte tenu du rôle essentiel qu’ils jouent dans la production médiatique. La qualité de leurs contributions dépend de plusieurs facteurs : leurs connaissances, leurs compétences et leur personnalité ainsi que des modèles auxquels ils s‘identifient, mais aussi des ressources (moyens financiers, temps) qui leur sont attribuées. Leur champ d’action est extensible dans une certaine mesure mais il est également limité par d’autres sphères d’influence.

D’une manière générale, les journalistes doivent posséder des compétences en déontologie des médias, des capacités professionnelles, des connaissances du sujet abordé, mais aussi être conscients des facteurs qui influencent leurs opinions personnelles. Souvent, le niveau de professionnalisme est très faible tant chez les débutants que chez les journalistes expérimentés. Ainsi, bon nombre d’entre eux n’ont pas conscience des différentes conceptions du métier ni des rôles types mettant l’accent sur tel ou tel aspect du journalisme professionnel. Les salles de rédaction et les équipes médias sont, encore et toujours, dominées par les hommes. Néanmoins, il existe de nouvelles politiques en matière de ressources humaines et des mesures incitatives pour embaucher et promouvoir les femmes aux postes de journalistes et rédactrices. Lorsqu’on travaille avec ce secteur, il importe de garder à l’esprit que les femmes sont sous-représentées, et de les inclure dans les diverses approches du soutien aux médias.

Interventions possibles : formation des journalistes 

Les thèmes potentiels de formation devraient être choisis en fonction des besoins mis à jour par l’analyse. Ils comprendront probablement les sujets suivants :
  • Améliorer le niveau des compétences professionnelles (rédaction, édition, connaissance de différents formats tels que dépêches, reportages, commentaires) ;

  • Etablir des normes professionnelles et un code déontologique pour le journalisme ;

  • Fournir des connaissances spécifiques, telles que la finance et les affaires, la dynamique des conflits, la politique, l’environnement, la sensibilisation au VIH / SIDA et aux droits humains. (la formation thématique ne devrait être proposée qu’une fois que les principes et les bases du journalisme sont assimilés) ;

  • Faire connaître les droits et les devoirs prévus par la loi ;

  • Améliorer la gestion des rédactions ;

  • Mettre l’accent sur l’égalité des genres (langage non sexiste, utilisation d’images non stéréotypées de l’homme et de la femme dans les médias) ;

  • Proposer des formations en matière de production multimédia, avec des contenus axés sur l’humain et non sur la technologie ;

  • Proposer des formations pour mieux cibler des publics spécifiques, tels que les jeunes, les populations urbaines ou les populations rurales ;

  • Proposer des formations portant sur les données et l’utilisation des TIC, notamment sur la collecte des données, leur vérification et analyse, leur présentation et leur mise en récit, en favorisant les échanges avec les utilisateurs et les communautés ;

  • Proposer des formations en matière de sécurité et de sûreté, notamment de protection contre les traumatismes psychiques ou d’ordre social.


Types de formation

Ces thèmes peuvent être traités à l’aide de différents types de formation (ateliers, séminaires, cours et programmes d’études à long terme, stages, formation de formateurs et formations sur le lieu de travail), sous la houlette de différents profils de formateurs (expatriés, intervenants locaux ou experts d’un pays tiers) et dans des lieux différents (dans le pays ou ailleurs).

La formation pratique ne suppose pas la même approche ni les mêmes compétences que la formation proposée par les établissements scolaires ou les institutions académiques. Il importe que le cursus des programmes de formation pratique tienne compte des obligations auxquelles les participants sont tenus – notamment le fait que, durant leur formation, ils doivent également produire des contenus et fournir leurs services.

Les activités de formation sont en grande partie destinées à des journalistes individuels, conviés hors de leur environnement de travail pour aborder des sujets spécifiques. En voici les avantages :

  • Ce type de formation est simple à organiser, peu onéreux (locaux, formateurs, participants) et peut être mis en œuvre rapidement ;

  • La formation peut être adaptée, au cas par cas, en fonction des besoins spécifiques des participants ;

  • Généralement organisée en petits groupes (huit à douze participants), elle se déroule dans une atmosphère agréable qui facilite l’apprentissage de nouvelles aptitudes et compétences ;

  • L’effet multiplicateur s’obtient facilement lorsque les participants travaillent pour des médias différents et peuvent transmettre ce qu’ils ont appris à leurs collègues.


Toujours répondre aux 5 W (de l'anglais : What Who Where When Why, ou en français : Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Pourquoi ?) est la règle cardinale du journalisme. Il ne peut y avoir de compromis lorsqu'il s'agit des quatre premiers W. Le public a besoin de repères : Où cela s'est-il passé ? Quand ? Qui est impliqué ? Qu'est-ce qui s'est passé ?




Ce qu’il faut garder à l’esprit

  • La meilleure formation pour les journalistes est celle qui leur donne la possibilité de mettre en pratique ce qu’ils ont appris. La formation sur le lieu de travail des journalistes permet l’adaptation directe de la chaîne de production et ses modifications. Tout programme de formation devrait être mis au point en se basant sur les échanges avec des apprenants et leurs superviseurs, afin d’assurer une conception sur mesure des interventions ;

  • Les formations individuelles conviennent tout particulièrement pour la transmission de connaissances sur des thèmes spécifiques abordés par les journalistes dans leurs reportages ou leurs articles, par exemple dans le domaine de l’économie, de la finance, de l’environnement. Cela dit, il est nécessaire d’examiner la structure générale des médias, et des échanges approfondis avec les rédacteurs doivent avoir lieu avant de prendre la décision de former un journaliste dans un domaine spécialisé tel que la finance ou la santé. Peu de médias peuvent se permettre le luxe d’employer des journalistes spécialisés dans leurs équipes et d’optimiser la formation à long terme.

  • Les nouveaux acteurs que sont les blogueurs et les responsables de communication, comme toute personne qui a la possibilité d’écrire et de partager du contenu sur les médias numériques ou de créer des plateformes, sont souvent assimilés à tort à des journalistes, ce qu’en général ils ne sont pas. Ces personnes n’ont pas suivi de formation en déontologie du journalisme et ne travaillent pas pour une organisation médiatique qui respecte une charte ou une ligne éditoriale, et ne sont pas soumises à la supervision d’un rédacteur en chef. À l’instar des médecins et des avocats, les journalistes sont des professionnels dont les compétences sont validées par un diplôme ou reconnues par une organisation professionnelle.

  • Les effets et l’impact de ces formations individuelles sont difficilement vérifiables ; il est toutefois important de tester les approches de la formation destinée aux journalistes en cherchant à savoir si ces derniers utilisent leurs nouvelles compétences dans leur activité professionnelle et, si ce n’est pas le cas, à en connaître les raisons. La durabilité de l’intervention est fréquemment remise en question, car il n’y a guère d’études qui ont suivi sur une longue période (10 à 15 ans) le travail des journalistes formés.


6.2.2 Entreprises de médias

La production médiatique est déterminée non seulement par la formation suivie par les journalistes, mais aussi par les entreprises médiatiques qui mettent à disposition l’infrastructure nécessaire, des ressources financières et des conditions de travail garantissant un journalisme professionnel et indépendant. En effet, il n’est pas très utile de former des reporters si par la suite leur rédacteur en chef ou leur employeur les empêche d’appliquer ce qu’ils ont appris. Le mode d’organisation institutionnelle des entreprises médiatiques détermine en grande partie la répartition du pouvoir interne, de même que les conceptions du journalisme et les modèles établis. En outre, la structure des revenus influence aussi la qualité du média : ceux qui ont un fort tirage et vivent surtout des fonds provenant des abonnements sont susceptibles de jouir d’une indépendance éditoriale plus grande que ceux qui dépendent essentiellement des recettes publicitaires. Dans de nombreux pays en développement, les médias sont communautaires ou sans but lucratif, et dépendent principalement de l’aide des donateurs internationaux. De ce fait, leur modèle d’affaires est plus hybride et se différencie des modèles d’affaires classiques.


Interventions possibles  : formation au niveau de l’organisation

  • Les formations seront plus pertinentes si, outre les journalistes et reporters, les secrétaires de rédaction, les rédacteurs en chef et les cadres y sont associés. Par exemple :

  • Programme de formation d’une semaine sur le lieu de travail pour les médias communautaires (radios) ;

  • Programmes d’échanges entre les médias, à l’intérieur d’un même pays, ou entre les médias de la même sous-région, échanges « sud-sud » ;

  • Formation sur le lieu de travail portant sur la déontologie et les conceptions du journalisme à l’intention des rédactions, y compris des rédacteurs en chef / propriétaires ; 

  • tables rondes sur les questions de déontologie réunissant des responsables / propriétaires de médias (en veillant à ce que les femmes soient représentées) ;

  • Etablissement de normes professionnelles adaptées et de chartes rédactionnelles

  • Formation sur la production multimédia, sur le positionnement des médias sociaux et la gestion communautaire ;

  • Formation sur les compétences de gestion et la gouvernance interne pour les cadres intermédiaires, la haute direction et les organes de gouvernance ;

  • Formation sur la production de revenus, y compris sur les partenariats pour les campagnes de communication institutionnelle.


Soutien en faveur d’organisations de médias spécifiques

Bien qu’une certaine prudence s’impose pour éviter de devenir trop proche d’un partenaire et  / ou de créer une situation de monopole, dans certains contextes spécifiques, il est possible que seul un ou deux médias remplissent les conditions minimum requises pour pouvoir recevoir l’aide de la DDC. Dans pareils cas, le soutien aux entreprises médiatiques spécifiques qui font des efforts particuliers pour favoriser le pluralisme culturel et l’inclusion dans la composition de l’équipe éditoriale et de la production de contenus est pertinent (en veillant à ce que les femmes, les personnes d’origine ethnique différente et les groupes marginalisés soient dûment représentées). 

Selon les résultats de l’analyse de la situation, il peut être approprié de soutenir des entreprises médiatiques des façons suivantes :
  • Soutien à la création d’un nouveau média national (face à une situation d’absence de média ou de paysage médiatique paralysé par le 

    clientélisme) ;

  • Mise en place d’un programme visant à faire des médias étatiques des médias de service public

  • (uniquement s’il y a, au niveau national, la volonté politique de le faire) ;

  • Aide à la création d’un média de l’ONU dans le cadre d’une mission de maintien de la paix dans une zone de conflit ou à sa transition vers une prise en charge locale à la fin du mandat de l’ONU ;

  • Option intermédiaire : studio de production qui émet des contenus médiatiques via un réseau de partenaires locaux ;

  • Fourniture de matériel ou soutien financier permettant à un média d’acquérir l’infrastructure nécessaire pour assurer son indépendance ; équipements techniques (ordinateurs, logiciels, émetteurs, appareils photo, matériel d’imprimerie, abonnement à un service photo ou à une agence de presse) et aide pour obtenir des capitaux et des prêts ;

  • Fourniture de TIC aux rédactions pour qu’elles puissent renforcer leurs capacités à collecter des données et des informations et à les analyser ;

  • Organisation de formations pour tout le personnel des médias (non seulement les rédactions, mais aussi le personnel de soutien, les cadres et les services de marketing).


Consultez le dossier de ressources sur le genre et les médias




Ce qu’il faut garder à l’esprit

  • La radio et la télévision publiques, les médias communautaires et les médias privés étant différents sur le plan organisationnel, il est nécessaire d’avoir des approches différenciées. Par exemple, la transformation d’anciens radiodiffuseurs d’État en radiodiffuseurs de service public constitue un cas particulier. Une telle initiative est susceptible d’avoir un fort impact, car un large public peut ainsi être atteint, mais elle comporte aussi des risques politiques, du fait qu’en général les gouvernements ne sont politiquement pas prêts à céder le contrôle des ondes au secteur public. La politique dominant encore les médias, tout changement à cet égard qui survient durant la transformation peut mettre en péril la réussite du projet, notamment par une modification des conditions juridiques ou une pression exercée sur le personnel.

  • Grâce à la formation sur le lieu de travail, il est possible de former, outre les journalistes, d’autres collaboratrices ou collaborateurs des salles de rédaction, voire des services de soutien (technique, ressources humaines, gestion, finances, marketing, etc.). Dans certains cas, elle constitue une solution de rechange à la formation individuelle. Elle se déroule sur le lieu de travail et – parce qu’elle inclut les personnes issues de tous les échelons de la hiérarchie qui (espérons-le) auront à cœur de mettre en pratique ce qu’elles ont appris – peut être à l’origine de changements concrets dans un média. Les probabilités de réussite sont donc plus élevées qu’avec une formation individuelle. Une formation de ce type est conseillée pour faire connaître de nouveaux styles de reportages, des principes déontologiques ou d’autres conceptions du journalisme, surtout lorsqu’elle inclut tous les décideurs en gestion et en rédaction. Cependant, les coûts d’organisation de ce type de formation sont plus élevés du fait qu’elle inclut davantage de personnes. En outre, le suivi, chronophage pour tout le personnel, s’avère plus difficile. Les donateurs et les managers ne sont pas sans savoir que la formation est inutile en cas de taux élevés de renouvellement du personnel, raison pour laquelle il faudrait appliquer rigoureusement la règle « deux personnes pour un poste » pour certains postes à responsabilités.

  • Le soutien aux médias locaux performants présente des avantages, mais aussi des inconvénients. Si ce type de soutien est un atout en soi, il permet aussi de créer un modèle qui établit de nouveaux standards et incite les autres médias à suivre ses principes de qualité et son bon fonctionnement. Une production de qualité et sa reconnaissance pourraient aussi se traduire par une hausse des revenus et un gain d’indépendance. Par ailleurs, il est moins évident d’obtenir un effet multiplicateur au-delà de l’entreprise médiatique (sauf si celle-ci appartient à un média de premier plan dans le pays, ou le devient, faisant œuvre de pionnier). Compte tenu de la concentration sur un très petit nombre de partenaires, le risque d’échec est plus élevé. Cette intervention requiert généralement un investissement très important (infrastructure, équipe, etc.) qui pourrait être plus utile ailleurs ; en outre, le donateur – en raison des liens étroits établis avec l’entreprise médiatique – s’expose au risque d’être tenu pour responsable du contenu. Mais, dans l’ensemble, cette option semble tout à fait valable. Les médias audiovisuels jouant un rôle majeur pour le grand public, il est judicieux de contribuer à instituer un média de référence qui assure la qualité visée en termes d’impartialité, d’équilibre, de diversité et de transparence et qui fait ainsi office de modèle pour les autres organisations médiatiques.


6.2.3 Institutions médiatique

Les entreprises médiatiques ont besoin d’un secteur professionnel composé d’institutions de soutien donnant accès à des services qu’une entreprise médiatique unique ne pourrait obtenir par ses propres moyens. En font partie les institutions de formation et de recherche (universités, instituts), les conseils de la presse, les associations de journalistes, les clubs de presse et les organisations de surveillance. Cette structure institutionnelle doit être suffisamment développée, indépendante et adaptée aux tâches qui lui incombent. Une collaboration avec ces institutions est particulièrement indiquée lorsqu’un donateur cherche à soutenir l’ensemble du secteur sans devenir trop proche d’un partenaire. Une analyse approfondie s’impose néanmoins afin de déterminer quel type d’institution est nécessaire, et quelles sont les institutions qui sont indépendantes et fiables.

ARTICLE 19: Dans le monde d'aujourd'hui, les entreprises technologiques dominantes détiennent un pouvoir considérable sur ce que les utilisateurs peuvent dire, lire et regarder en ligne. Les pratiques de modération de contenu des sociétés de médias sociaux ont un impact énorme sur le débat public, mais elles sont souvent opaques et ne donnent pas lieu à des comptes. De plus en plus, ces pratiques de modération de contenu ont un impact sur les droits de l'homme des utilisateurs, y compris le droit à la liberté d'expression.

C'est pourquoi nous appelons à la création du Conseil des médias sociaux. Un nouveau mécanisme transparent, inclusif, indépendant et responsable pour traiter les problèmes de modération de contenu en se basant sur les lois internationales des droits de l'homme. Nous voulons nous assurer que les décisions relatives à la modération des contenus sont compatibles avec les exigences des normes internationales en matière de droits de l'homme et qu'elles s'appuient sur un large éventail de compétences et de perspectives. (traduit de l'anglais)




Interventions possibles  : soutien aux institutions de formation

Dans le domaine de l’acquisition de capacités, quelques projets visent à institutionnaliser la formation en soutenant des structures ad hoc qui couvrent l’ensemble du secteur. Parmi celles-ci figurent les écoles de journalisme, les départements médias et communication des universités, les organes de presse, etc. Cette solution présente des avantages évidents :

  • Le partage d’une institution de formation commune entre différents médias peut représenter une solution économiquement viable pour remplacer le financement par un média individuel ou la couverture intégrale des frais par les participants.

  • Cette conception de la formation convient particulièrement lorsqu’un besoin important de formation a été identifié pour l’ensemble du secteur et qu’il est nécessaire de créer des possibilités d’échange entre les professionnels des médias.

  • Cette démarche est utile au secteur des médias dans son ensemble.

  • Certaines de ces institutions peuvent adapter les contenus, schémas et formats de formation avec beaucoup de flexibilité afin de les adapter à l’environnement médiatique en mutation.

  • Ces institutions favorisent presque automatiquement le réseautage entre les journalistes.

  • Elles peuvent également faire office de plateforme neutre pour débattre de problèmes affectant l’ensemble des médias.

  • L’appropriation par la communauté médiatique locale est davantage facilitée qu’avec des formations individuelles ou sur le lieu de travail.


Il est très difficile pour ces institutions d’assurer leur viabilité, car elle nécessite des solutions financières hybrides qui impliquent l’aide publique, des investissements privés ainsi que, pour le moins, un environnement médiatique favorable afin que les propriétaires de médias puissent investir dans la formation de journalistes ou participer aux coûts.

Évaluer l’efficience et l’efficacité de ces différentes approches reste une tâche très difficile, le suivi et l’évaluation étant encore limités dans le domaine du soutien aux médias. Les projets devront faire l’objet d’un examen approfondi portant en particulier sur le degré d’intégration dans le marché du travail que les journalistes formés et les diplômés de ces institutions de formation ont pu atteindre.


Tableau 2 Renforcer d’autres institutions médiatiques

​Typologies des acteurs par fonction

Interventions possibles

Acquisition de capacités

Écoles de journalisme, départements universitaires (communication de masse et journalisme), centres de formation pour adultes, etc.
​Introduction de nouveaux cursus (déontologie, multimédias, nouvelles technologies, etc.) 
Introduction de cours pratiques (studios internes de production, médias universitaires, etc.)
Formation institutionnelle (gestion stratégique, élaboration de plan d’affaires)

​Institutions indépendantes et d’autorégulation

Conseils des médias, conseils de la presse, maison des médias, organes et groupes de surveillance des médias, hauts fonctionnaires chargés de la communication et des médias, médiateurs, commissions des plaintes, etc.
​Développement de missions claires et de stratégies Formation des cadres et du personnel (gestion stratégique, élaboration de plans d’affaires) Introduction de capacités de surveillance des médias 
Développement de codes et de recommandations, soutien au secteur

Protection et défense du secteur

Syndicats, associations de journalistes, associations pour la sécurité des journalistes et les acteurs des médias, guildes de rédacteurs, associations de diffuseurs de radiotélévision, etc. 
​Formation sur la gestion institutionnelle, les plaidoyers (advocacy), l’élaboration de plans d’affaires, les associations, la communication et le réseautage national, régional et international.

Mesures, études et recherches pour le secteur

Mesures d’audience des médias, instituts de recherche, institutions de surveillance des médias, sociétés publicitaires 
Mesures d’audience des médias, instituts de recherche, institutions de surveillance des médias, sociétés publicitaires ​Workshops to define research questions and needs, creation of joint interest groups (‘médiamétrie’, the audience measure institute, the media and the advertisers), training of management and staff (strategic management, business plan training)


Ce qu’il faut garder à l’esprit

Le soutien à des institutions d’autorégulation, à des associations professionnelles, à des groupes de surveillance des médias et à des clubs de la presse constitue aujourd’hui un volet important de l’assistance aux médias. La création de ce type d’institution permet de soutenir le secteur des médias dans son ensemble, et de renforcer la position des institutions médiatiques locales dans leur interaction avec le gouvernement et d’autres acteurs.

Ces institutions sont un plus pour tous les acteurs des médias, mais aussi, plus généralement, pour les acteurs de la gouvernance et de la démocratie. Ce type de soutien peut se révéler rentable en ce qui concerne le rapport coûts  / bénéfices, car ces institutions de formation offrent un puissant effet de levier pour améliorer les capacités globales du secteur des médias. Toutefois, certaines de ces institutions pourraient ne pas être totalement exemptes de pressions politiques, et ne pas être en mesure de remplir leurs missions. Il n’est donc guère aisé de les rendre viables lorsque le secteur des médias est encore économiquement fragile ; en outre, l’impact et les effets à long terme de ces institutions sont difficiles à évaluer.



La situation économique générale et les conditions technologiques d’un pays sont évidemment un facteur important pour les médias. Le pouvoir d’achat de la population influence le tirage des journaux et la diffusion des médias, ce qui à son tour détermine la capacité des médias à payer des salaires décents à leur personnel, et limite ainsi la corruption et autres avantages négatifs. Les revenus issus des recettes publicitaires et des abonnements sont, pour une large part, déterminés par la situation économique. Par ailleurs, une propriété diversifiée et la concentration dans le secteur des médias sont des critères décisifs pour un environnement médiatique sain.

Dans le monde actuel des médias numériques, le contrôle des contenus est toujours plus concentré entre les mains de quelques acteurs internationaux privés (tels que les GAFAM et la manière dont ils conçoivent leurs algorithmes). En même temps, l’architecture de l’infrastructure pour les flux d’information nationaux reste bien souvent sous la coupe de gouvernements qui ont la capacité de contrôler ou de bloquer l’accès à internet dans l’ensemble d’un pays.

En ce qui concerne la production et la diffusion de contenus médiatiques, les récentes évolutions technologiques ont permis de réduire considérablement le coût des équipements. Grâce à la numérisation de la production, les journalistes peuvent désormais travailler avec des appareils d’enregistrement relativement bon marché, voire simplement avec des téléphones portables. Les technologies de communication mobiles ont étendu, comme jamais auparavant, la portée potentielle des contenus médiatiques. 

Lisez : Visual Capitalist

Lisez : DW Akademie

Lisez : CIMA



Au final, le plus important est de disposer d’un personnel formé en matière de technologie et rémunéré correctement et régulièrement, mais c’est aussi une charge importante sur le budget des médias. De plus, les modèles d’affaires classiques des médias sont menacés par la captation des revenus provenant de la publicité par les plateformes internet telles que les GAFAM et ce que l’on appelle l’économie du clic. Pour cette raison, et compte tenu de la crise générale qui touche les finances des médias, il conviendrait d’examiner de plus près le rôle et le potentiel du financement public pour soutenir les médias, et d’intégrer cette question dans les stratégies globales des donateurs.

Interventions potentielles

  • Renforcer la viabilité financière des médias de sorte qu’ils puissent payer leur personnel et être des employeurs responsables (par exemple en assurant un salaire minimum pour les journalistes ou l’existence de moyens de production, etc.) par le soutien au financement hybride : production de revenus par la publicité commerciale et les campagnes de communication institutionnelle, financements participatifs, accès à différents fonds du secteur privé et du secteur public, aide de donateurs ou de fondations.

  • Développer des capacités de collecte de fonds au sein des médias à but non lucratif (subventions de fondations privées, procédures de donateurs, etc.).

  • Renforcer les conditions-cadres du marché pour les médias, en facilitant les études comparatives du marché pour la publicité (par exemple) ou le soutien à la création d’associations de médias pour faire face à la puissance et à la pression des annonceurs publicitaires (marché publicitaire peu structuré, en particulier dans les contextes fragiles).

  • Favoriser les activités anti-monopole en améliorant l’accès aux moyens de production, d’impression et de distribution ainsi que leur acquisition.

  • Favoriser une meilleure transparence en matière de propriété des médias.

  • Financer des infrastructures générales afin d’améliorer la portée technique des émetteurs, ainsi que les canaux de distribution en dehors des zones urbaines afin de toucher un public plus large sans provoquer de distorsions du marché.

  • Élever le niveau des compétences en gestion d’entreprise dans les médias (participants : cadres, propriétaires ; thèmes : gestion d’entreprise, marketing, publicité, déontologie).


Ce qu’il faut garder à l’esprit

Les interventions économiques et technologiques couvrent normalement l’ensemble du secteur des médias. Dans certains cas, elles sont cruciales, car elles jettent les bases nécessaires au développement des médias. Il importe que les donateurs soient prêts à faire face aux vastes défis liés à internet et aux services mobiles présents dans l’économie des médias (dont la captation des revenus issus de la publicité par les plateformes internet et l’économie du clic), et à assumer les risques politiques associés à ce genre de programme (par exemple, dénoncer les accords occultes entre États répressifs et fournisseurs d’accès à internet ou opérateurs de téléphonie, capacité de surveillance numérique, condamnation du blocage illégitime de l’accès à internet, etc.).

L’environnement technologique et économique général d’un pays déborde normalement le cadre de l’intervention destinée à soutenir un média spécifique. Toutefois, certaines activités dans les secteurs de l’économie et de la technologie ont un impact direct sur les prestations des médias, tels que les efforts anti-monopole, la formation en gestion des médias et le soutien à l’infrastructure pour améliorer la portée technique (fibre optique, présence satellitaire, nouveaux émetteurs, etc.). Même de simples mesures dans ce secteur peuvent avoir d’importantes retombées positives, et chaque effort fourni pour renforcer la viabilité économique des médias réduit, avec le temps, la dépendance au financement des donateurs.

Toutefois, certaines mesures économiques ou technologiques pourraient engendrer des distorsions du marché. Une analyse et une planification détaillées sont donc nécessaires pour éviter ces effets contre-productifs. Une activité étant rarement de nature purement économique, certaines personnes gagneront du pouvoir et d’autres en perdront. Les donateurs et responsables de la mise en œuvre doivent être conscients de ces effets secondaires d’ordre politique.

6.2.5 Environnement politique et juridique, et sécurité

Le secteur des médias est le reflet de son environnement au sens large, en particulier de son environnement politique. Pour cette raison, il est extrêmement utile de disposer d’une analyse de la politique et des pouvoirs pour comprendre le secteur des médias, ainsi que la répartition du pouvoir de communication au sein d’une société. La sphère politique et le secteur des médias sont deux domaines séparés, mais qui s’influencent réciproquement. Le secteur des médias influence la sphère politique parce qu’il : (a) a une influence sur le public (citoyens / électeurs), qui à son tour peut faire pression sur le gouvernement et (b) facilite la discussion au sein de la sphère politique, par exemple entre les partis politiques.

Un environnement juridique favorable constitue un pilier essentiel de la liberté et de l’indépendance de la presse. Il assure le respect de l’état de droit, des lois spécifiques aux médias et des institutions et structures favorables à la liberté et à l’indépendance des médias (CIMA 2007:4). L’environnement politique et le cadre juridique sont distincts l’un de l’autre, mais sont interdépendants, les acteurs politiques influençant la formulation, l’application ou le non-respect des lois. 

Toutefois, il est nécessaire de focaliser l’attention non seulement sur les acteurs politiques (de haut niveau) mais aussi, plus généralement, sur les différents fonctionnaires de l’appareil judiciaire et bureaucratique qui interprètent les règles et décident de leur application (UNESCO 2018).

Les lois spécifiques aux médias prévoient des dispositions sur la collecte d’informations, par exemple une loi sur la liberté d’information ou sur l’accès à l’information obligeant le gouvernement ainsi que d’autres intervenants nationaux à révéler, sur demande, certaines données au public. Elles comprennent également la législation concernant les contenus et les sanctions prévues pour ce qui est perçu comme des abus, tels que des diffamations et des calomnies. Cette législation agira sur les risques d’autocensure dans le journalisme. Les lois spécifiques pour les médias comprennent des mesures de régulation telles que l’octroi d’autorisations de diffusion et de licences pour l’utilisation de fréquences, et la reconnaissance de la profession de journaliste (délivrance de cartes de presse).



En restructurant le marché des médias ou en manipulant la distribution de ressources sur le marché, les interventions législatives peuvent augmenter la probabilité que certains points de vue touchent le public, ou au contraire la faire baisser. Ces interventions peuvent tomber dans la catégorie de la «  censure douce » ou de la censure indirecte. Elles rendent les acteurs individuels du système médiatique politiquement et économiquement plus vulnérables, et augmentent la probabilité de compromis rédactionnels visant à garantir les ressources disponibles (Polyák et Meuter 2016). Les nouveaux acteurs – des GAFAM aux blogueurs individuels sur les plateformes numériques – jouent un rôle croissant qui, dans la plupart des cas, est confronté à un vide juridique dans les pays émergents et en développement.

Interventions potentielles

  • Former des organisations de la société civile, des journalistes, des avocats, des juges et des organes de régulation ainsi que des étudiants en droit sur les cadres réglementaires et les solutions pour assurer la liberté des médias.

  • Soutenir les capacités locales pour prôner des réformes de la loi et promouvoir un programme d’actions pour la liberté des médias.

  • Fournir un soutien en cas de contentieux sur des affaires relatives à la liberté des médias aux niveaux national et international.

  • Déléguer des observateurs internationaux pour assister aux procès d’acteurs médiatiques.

  • Fournir des programmes d’éducation aux médias et à l’information aux parlementaires, aux organes exécutifs élus, aux décideurs, aux dirigeants traditionnels ou religieux, etc.

  • Fournir une formation spécifique aux membres de parlements portant sur le rôle des médias et sur les procédés pour établir des relations constructives avec les organisations médiatiques.

  • Organiser des ateliers communs entre les partis politiques, les médias et les journalistes pour favoriser la compréhension, le respect et la confiance.


Ce qu’il faut garder à l’esprit

  • Les organisations régionales – telles que le Conseil de l’Europe, l’Union africaine (UA) et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) – disposent de textes et de conventions qui peuvent aider à améliorer les cadres réglementaires  nationaux.

  • L’existence et la qualité de la législation en matière de liberté d’expression, de médias de masse, de radiotélévision publique, d’organes de régulation, de licences, de censure, de diffamation et calomnie, de droits d’auteur, etc. ne garantit pas son application. La volonté politique d’un gouvernement de respecter l’environnement juridique favorable aux médias doit être affirmée, réitérée et appliquée concrètement.

  • Il convient également de prêter attention aux

  • lois qui ne sont pas spécifiques aux activités des médias, mais qui peuvent néanmoins les influencer fortement. Cela comprend les règlements douaniers, les droits d’auteur, la fiscalité, les lois sur la concurrence, etc. – cette liste ne saurait être exhaustive.

  • Il faut observer la loi dans la pratique, soit son application par les autorités, et ne pas se contenter de l’examiner sur le papier. Ce qui soulève des questions générales : quel est le degré d’indépendance du système judiciaire ? Quelles sont les exigences administratives et les coûts relatifs à l’exploitation d’un média ? Les autorités enquêtent-elles activement en cas de crimes contre les journalistes, engagent-elles des poursuites ?


​Veiller à la sécurité

La question de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias n’est pas circonscrite aux régimes autoritaires ou aux contextes fragiles. Des agressions contre les journalistes sont commises dans les pays développés et dans des sociétés où le secteur médiatique dérange les puissants du monde de la politique et de l’économie.

L’essor de l’utilisation des nouvelles TIC et des médias sociaux a alimenté les appréhensions des gouvernements et des puissants acteurs privés qui craignent de perdre le contrôle sur les flux d’information et sur les contenus. D’où une intensification des efforts de communication stratégique pour « gagner les cœurs et les esprits », une bataille où la persuasion, et non pas la vérité, est souvent la qualité la plus appréciée (Price 2014). Les investissements en technologies de surveillance ont également augmenté, ainsi que les mesures de répression visant à réduire au silence les activistes et les voix critiques. Selon l’UNESCO, « en moyenne, tous les cinq jours, un journaliste est tué pour avoir informé le public ». Les agressions ne sont pas limitées aux zones de guerre. Elles sont souvent perpétrées en temps de paix par les milieux du crime organisé, par des milices, par le personnel de sécurité, et même par la police locale, faisant des journalistes des cibles particulièrement vulnérables. Plusieurs indicateurs, dont l’enquête sur la liberté de la presse que publient Freedom House et Reporters Sans Frontières (RSF), fournissent des données essentielles sur la sécurité des médias dans chaque pays (voir les sites de Freedom House et RSF).

Au sujet des interventions possibles sur la sécurité, veuillez consulter le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes (UNESCO 2016)



6.2.6 Croyances sociales et valeurs culturelles

Les croyances sociales et valeurs culturelles communes ont énormément d’incidence sur les journalistes et autres acteurs médiatiques et, à l’inverse, les médias influencent profondément l’évolution des valeurs socioculturelles communes et leur perception.

Les croyances sociales et valeurs culturelles influencent les journalistes, les propriétaires et les autres intervenants des médias, ainsi que la sélection d’informations et la présentation d’événements et de positions dans les médias. Elles peuvent servir à affermir ou à remettre en question les stéréotypes et les préjugés, sur le genre, par exemple. Le travail dans les situations de conflit et de clivage exige une attention particulière aux croyances sociales et valeurs culturelles. Des valeurs profondément enracinées risquent d’empêcher les journalistes de relater les faits de manière impartiale, car il peut être difficile pour eux d’être conscients de cette influence, ou de s’en démunir par souci d’équilibre de l’information. Sans esprit critique ou prise de conscience de la relativité de ses propres valeurs éthiques, les médias et les journalistes, involontairement, font usage de leur pouvoir pour délégitimer et exclure d’autres façons de penser. Ces facteurs sociopolitiques et culturels affectent la façon dont la société accepte et perçoit les médias. Les médias assumentils une fonction indispensable de « quatrième pouvoir » et d’observateur, ou constituentils une entité dangereuse et manipulatrice  ? Tout dépend du rôle que la société attribue aux médias, un rôle en mutation rapide, non seulement dans les contextes fragiles, mais aussi dans les démocraties « émergentes », ou dans les « vieilles » démocraties


Le fossé de confiance entre les médias traditionnels et les nouveaux médias s'élargit [Lien]



Interventions potentielles

  • Évaluer de manière coordonnée et régulière, avec d’autres donateurs et acteurs clés, l’implication des gouvernements et des citoyens, et les attentes de ces derniers à l’égard de la liberté d’expression et des médias.

  • Collaborer avec les acteurs de la société civile pour faire participer autant de citoyens que possible au sujet de leurs attentes à l’égard des médias, et soutenir l’organisation régulière de sondages d’opinion.

  • Organiser une formation spécifique destinée aux organisations de la société civile sur le rôle des médias et sur les procédés pour établir des relations constructives avec les organisations médiatiques.

  • Collaborer avec les médias pour, chaque semaine ou chaque mois, faire le point sur la façon dont l’information est produite, les processus internes, le travail de journaliste, etc., et sur les vérifications des faits.

  • Encourager les professionnels des médias à effectuer une réflexion critique sur leurs propres croyances sociales et leurs stéréotypes.

  • Mettre en place des cursus pour les écoles primaires ou secondaires, les universités et autres institutions académiques en matière d’information et d’éducation aux médias.


Ce qu’il faut garder à l’esprit

Une analyse du contexte socioculturel et des débats publics devrait contribuer à identifier les principales revendications et les tensions qui divisent la société. En discute-t-on de manière inclusive, équilibrée et tolérante  ? Dans le cas contraire, quels sont les groupes marginalisés qui doivent pouvoir s’exprimer, et quelles sont les plateformes médiatiques qui pourraient les aider à mieux participer ? Et comment les plateformes médiatiques peuvent-elles être renforcées afin de faciliter le dialogue inclusif, équilibré et constructif entre les différentes communautés pour trouver un terrain d’entente et des solutions communes ? 


6.3 S’adapter aux besoins du public et accorder de l’importance à l’éducation aux médias

En guise de conclusion à cette section, rappelons que les médias sont censés servir les intérêts de la population. Inciter le public à lire, écouter ou regarder des contenus – et à réagir à ceux-ci – est la raison d’être des médias. Cela implique de savoir qui sont les interlocuteurs des médias et d’offrir des contenus qui satisfont l’intérêt et les capacités des publics (en tenant compte des langues locales, de l’accessibilité, de l’éducation aux médias et à l’information). Le public est donc présent et actif dans chacun des six domaines :

  1. Journalistes individuels – en tant que bénéficiaire de contenus médiatiques, le public est de plus en plus actif et acteur, par des interventions lors d’émissions participatives en direct, par des débats, par des suggestions aux rédactions, ou des commentaires sur les plateformes numériques.

  2. Entreprises médiatiques – les médias qui sont proches des problèmes de la population inspirent la confiance et la fidélité. La qualité de cette relation est évaluée par le biais d’études mesurant l’audience, le lectorat et le degré de satisfaction ; les études d’impact évaluent l’incidence quantitative et qualitative des médias sur la population.

  3. Institutions de soutien aux médias – les citoyens ont-ils accès aux mécanismes de redevabilité tels que les conseils de la presse ou les médiateurs et en bénéficient-ils ?

  4. Facteurs économiques et technologiques – les citoyens considèrent-ils l’information et les médias indépendants comme un bien public, et sont-ils disposés à payer pour cela (abonnements, informations payantes, taxes ou redevances) ?

  5. Environnement politique et juridique, sécurité des journalistes – les citoyens exercent-ils leur droit d’accès à l’information et à la liberté d’expression ?Participent-ils au processus législatif et appuient-ils les mesures prises pour la protection des journalistes et la lutte contre l’impunité ?

  6. Croyances sociales – la population profite-elle de médias de qualité et les défend-elle en tant que « quatrième pouvoir » ? La société défend-elle l’information fiable qui aide les individus à être des citoyens engagés et informés ?


Toutefois, dans de nombreux pays le niveau d’éducation aux médias est faible et le fossé est grand par exemple entre habitants des zones rurales et ceux des zones urbaines, entre familles riches et familles pauvres, entre personnes instruites et personnes peu instruites, entre les jeunes générations et leurs aînés.

Le soutien aux médias devrait donc chercher à renforcer la capacité de tous les publics à jouer un rôle actif et responsable dans les flux d’information. D’une part, les programmes en faveur des médias peuvent rappeler aux destinataires – ou les sensibiliser à ce sujet – qu’ils ont droit à une information fiable et indépendante ; de l’autre, les efforts en matière d’éducation aux médias et à l’information devraient sensibiliser les consommateurs des médias à leurs responsabilités – par exemple vérifier les sources de l’information, identifier un éventuel préjugé dans leur relation aux faits, avoir conscience de ses propres partis pris, bien réfléchir avant de partager des contenus, dénoncer la mésinformation, valoriser l’information de qualité et, par conséquent, comprendre qu’elle a un prix.

Les observations et les recherches sont de plus en plus nombreuses à préconiser l’intégration des programmes d’éducation aux médias et à l’information comme une partie intégrante et nécessaire à l’aide de ce secteur. 


Interventions potentielles

  • Promouvoir un environnement favorable à l’engagement des citoyens dans les médias – par exemple participation aux débats radiophoniques ou aux tribunes libres des journaux, interventions lors de débats.

  • Collaborer avec les médias pour faire le point, chaque semaine ou chaque mois, sur la façon dont l’information est produite, les processus internes, le travail de journaliste, etc., et sur les vérifications des faits.

  • Collaborer avec les ONG et des organisations de la société civile pour mener des campagnes de sensibilisation sur le rôle des médias.

  • Mettre en place des cursus pour les écoles primaires ou secondaires, les universités et autres institutions académiques.


Ce qu’il faut garder à l’esprit

  • Le concept de « citoyen journaliste » est à utiliser et à promouvoir avec prudence. Il convient d’encourager les contributions des citoyens qui fournissent des contenus bruts aux journalistes et aux rédactions. Ces derniers se chargeront de vérifier l’information, d’en déterminer la source ainsi que d’en évaluer l’importance. Le journalisme est une profession soumise à des normes déontologiques et professionnelles. Un individu qui publie une photographie en ligne ou un article d’opinion n’est pas pour autant un journaliste.

  • La connaissance des publics émane d’informations statistiques et d’études sur leurs habitudes de consommation des médias. Ce matériau doit être vérifié par recoupement avec les données des médias – lorsqu’elles existent – sur l’audience mesurée, l’accès et les commentaires du public.

  • Les programmes d’éducation aux médias et à l’information doivent être conçus selon les besoins estimés, par les professionnels des médias, puis mis en place avec des organisations partenaires telles que les écoles, les centres de formation pour adultes, les services publics, les ONG, etc.


Un autre cadre conceptuel développé par Internews comprend "Huit dimensions critiques des écosystèmes d'information, qui permettent une compréhension et une analyse holistiques de l'écosystème d'information de toute communauté ou lieu donné. Ces dimensions sont dynamiques et en constante évolution, en fonction des spécificités de chaque contexte à un moment donné".






Ressources supplémentaires

  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/24hinanewsroom.png

    24h in a newsroom

    More than 100 resource documents in different languages for journalists

    Link
    CFI, ESJ
    2020
    Alain Rollat, Richard Pernollet, David Servenay, Didier Desormeaux, Brigitte Besse
    🇬🇧
    🇫🇷
  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/AfricaCheck.png

    Combattre la désinformation en Afrique

    4 leçons d’un environnement complexe

    Link
    Africa Check
    2019
    Peter Cunliffe-Jones
    🇬🇧
    🇫🇷
  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/FakeNews.png

    Journalism, 'Fake News' and Disinformation: A Handbook for Journalism Education and Training

    Written by experts in the fight against disinformation, this handbook explores the very nature of journalism with modules on why trust matters; thinking critically about how digital technology and social platforms are conduits of the information disorder; fighting back against disinformation and misinformation through media and information literacy; fact-checking 101; social media verification and combatting online abuse.

    Link
    UNESCO
    2018
    🇬🇧
    🇫🇷
    🇪🇸
  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/making_mediamarkets.png

    Making Media Markets Work for Democracy

    An International Fund for Public Interest Media - June 2019 Consultation Document

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    The Namibia Media Trust NMT
    2019
    🇬🇧
  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/MoreThanMoney.png

    More than money. Rethinking Media Viability in the digital age

    This paper presents a new model for Media Viability at a time when media outlets face enormous difficulties delivering quality reporting while staying financially afloat.

    Link
    Deutsche Welle
    2019
    Laura Schneider
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  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/PayingThePiper.png

    Paying the piper

    The sustainability of the news industry and journalism in South Africa in a time of digital transformation and political uncertainty

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    Digital Media Research Centre
    2018
    Harry Dugmore et al.
    🇬🇧
  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/MediaAction.png

    Public service media in divided societies: Relic or renaissance?

    This briefing focuses on the media of countries that are divided, undergoing crisis or conflict, or where governance is weak. It argues that the role of public service media in such societies – sometimes called fragile states – is increasingly relevant and sometimes critical to underpinning political and social development for the 21st century.

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    BBC
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    Phil Harding
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  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/Successfullyimplementingmedialaw.jpg

    Successfully implementing media law: some recommendations

    Creating a supportive legal environment for the media sector needs more than traditional legal reform. It requires taking into account the local context and the diverse stakeholders and their attitudes to the media.

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    Deutsche Welle
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    Gabor Polyák, Sacha Meuter
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  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/TerrorismAndMedia.png

    Terrorism and the media

    Terrorism and the fight against terrorism have become major elements of domestic and international politics, with the media firmly on the front lines, especially when attacks target civilian populations.

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    UNESDOC
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    Jean Paul Marthoz
    🇬🇧
  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/UnderWhatConditionsIsInformation Empowering.jpg

    Under What Conditions Is Information Empowering?

    Learn more about how nonprofits, movement builders, and other social sector actors can more effectively communicate information to create meaningful change.

    Link
    Global Giving
    2018
    🇬🇧
  • https://www.shareweb.ch/site/DDLGN/Thumbnails/GuideBestPracticeInDigitalAge.png

    UNESCO Guide to support Press councils

    How press councils have adapted to the digital ages? Have they for instance developed guidelines on the use of algorithms by social media? Do they address issues of online hate speech and disinformation? Are they using ICTs to improve accessibility to media users?

    Link
    UNESCO
    2019
    🇬🇧




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